Face à la réalité...

Il est des jours où nos conditions de vie en Inde sont difficiles à assumer.
Je vous l'ai dit, nous avons de très bonnes relations avec Victor, toujours prêt à nous rendre service, nous donner les bonnes adresses, toujours disponible, toujours à l'heure, toujours de bonne humeur. Il est ravi de nous parler de son pays et curieux d'entendre parler de la France, bref, on a beaucoup de chance. Je pense qu'il est également content d'être avec nous, il venu faire du kart avec nous, on essaie de lui rendre la tâche le plus agréable possible.
Un jour que je cherchais un micro-ondes, il me dit « On n'est pas très loin de chez moi, on va s'arrêter, comme ça tu verras ma femme et mes enfants ». J'étais ravie...

On quitte les grandes artères ultra bruyantes et embouteillées, puis on quitte les routes goudronnées pour emprunter des rues de terre (dès que l'on s'éloigne des principales rues de la ville, le bitume laisse place à une terre rouge), et pour arriver dans une ruelle. On se gare, les yeux des passants se posent sur LA voiture du quartier, à ce moment précis j'aurais bien voulu me transformer en souris ou en mouche: "Mais qu'est ce que je suis venue faire ici avec voiture, chauffeur et sac à main ?" La Honte. Ce n'était vraiment pas prévu au programme...
On traverse la rue, sa femme se tient sur le pas de la porte, m'accueille avec un large sourire, je lui réponds par un « Namasté » mains jointes et tête baissée, et j'entre après m'être déchaussée (jamais on ne rentre chez quelqu'un ou dans un temple en chaussures). Présentation de son bébé de 3 mois, de son fils de 8 ans, puis visite de sa maison : une entrée de 10- 12 m2 dans laquelle il y a un frigo, un lit et une télé, de chaque côté : 2 pièces, à droite la cuisine encore plus petite dans laquelle il y a un évier, une plaque de cuisson et des étagères dont une destinée à Ganesh et à gauche : la chambre à coucher de toute la famille : un matelas, une armoire et un petit bureau. Point, c'est tout, pas de toilettes ni salle de bain ni table ni chaises ni jouets...
Victor me dit « c'est une maison modeste, mais on est bien ici », à toute vitesse je cherche quoi lui dire... Mais quoi lui dire ?? Tous les jours il est chez nous, il n'est pas dupe et sait pertinemment qu'on ne pourrait pas vivre dans ces conditions, il sait ce que je pense de sa maison, on a acheté en deux mois ce que jamais il ne se paiera dans toute sa vie... Je ne peux que lui sortir « c'est calme ici, tes enfants peuvent jouer dehors sans risques, c'est chouette pour eux.. »
Le salaire moyen en Inde est de 3500 Roupies (60 Euros), certainement un peu plus à Bangalore. Victor est payé 12 000 Roupies (185 Euros) en moyenne par mois ce qui est considéré comme un bon salaire. Il paie 5000 roupies (77 Euros) de loyers + charges, le prix de location a fortement augmenté ces quelques dernières années m'a-t-il dit. Je n'ose même pas imaginer dans quelles conditions vivent les gens qui gagnent tout simplement le salaire moyen...
Il faut rajouter le prix de l'école, (les écoles publiques totalement gratuites ont un faible niveau), l'assurance maladie (somme conséquente). Il existe tout de même quelques hôpitaux entièrement gratuits (quoique, la corruption semble être TRÈS présente ici) .
Voilà, il y a certaines situations indécentes dont je me passerais bien, je le savais bien pourtant en venant ici, n'empêche que...

Comments

[5martin]

Ca soulage (un peu) ma conscience! On va essayer de voir ce que l'on peut faire, trouver le bon équilibre, ne pas être "rat" sans pour autant en faire trop... Ce sera peut être plus facile quand on connaîtra mieux...

[Virginie]

En attendant, ton chauffeur bosse dans de bonnes conditions, pour un salaire certes ridicule de notre point de vue, mais remarquable pour un chauffeur.
Il le mérite car il fait bien son travail, mais il a aussi de la chance, car en plus du salaire, le travail est loin d'être désagréable : il n'est pas insulté, ni rabaissé, ses horaires sont respectés ou il a un surplus de salaire s'il fait plus d'heures. C'est loin d'être le cas des "conditions locales".
Quelque part, avec ta voiture et ton sac à main, tu es une chance pour eux. Une opportunité de vivre mieux, qui ne leur serait pas offerte sans la présence des Occidentaux riches.

Ce qui se fait aussi, c'est de financer annuellement un bilan médical et tout ou une partie des soins qui en découlent pour le chauffeur (pas pour sa famille, sinon, c'est la porte ouverte à plein de problèmes), et d'aider à payer les écoles dans la limite d'un ou deux salaires.
Ce qui aide aussi ponctuellement, c'est de leur accorder des prêts à taux 0. Perso, on se limite à 2 salaires, pas plus, avec des remboursements sur un an. ça leur permet de payer la caution pour emménager dans un autre logement en attendant de récupérer la caution de l'ancien logement, ou de payer une meilleure école, de changer la moto, de réparer le frigo, le toit...

Parfois, je fais des cadeaux : des couvertures, de la vaisselle (casseroles), un matelas, ou je paie pour un nettoyage (des couvertures). Je donne les affaires de ma puce (chaussures, vêtements, livres), et j'offre des vêtements neufs (2 fois par an, Noel et Juin) pour les enfants.